JOSEPH BURGO, "Ces hyper-narcissiques qui nous entourent", Bruxelles: Ixelles éditions, 2015 |
Cher Docteur Burgo,
J’ai besoin de votre
avis de spécialiste. Enfin, « besoin » est un bien grand mot. Je suis
convaincu que ma propre opinion est bien suffisante mais bon, pour faire bonne
figure, il serait préférable que je sois appuyé par un professionnel.
Récemment, j’ai dû me
rendre à la soirée d’anniversaire d’un ami. J’avoue que je n’en avais pas
particulièrement envie mais ses soirées sont tellement ennuyeuses quand je n’y suis pas que je me sens un peu
responsable de leur bon déroulement. En plus, si c’est pour être dérangé toute
les deux minutes par des sms pleins de détresse me demandant où je suis, quand
j’arrive, pourquoi je ne suis pas déjà là en train de sauver l’humeur générale…
Non merci ! Je préfère encore venir en personne.
Quand je suis arrivé
sur les lieux, j’ai bien senti que les gens étaient trop intimidés pour
m’approcher. Après une petite heure passée à me regarder dans le miroir du hall
d’entrée, j’ai finalement cédé à l’envie dévorante que je pouvais lire dans les
yeux des divers convives et je me suis mêlé de bonne grâce aux différents
groupes de discussion. Bien évidemment, personne n’était réellement capable de
suivre mes développements lors des débats, ni de me répondre quoi que ce soit
alors que j’étalais ma surabondante culture générale, mais – toujours grand
seigneur – j’ai offert ma personne en offrande à tout invité désireux de
côtoyer la magnificence incarnée que je représente.
Un peu plus tard, alors
que l’ami dont c’était l’anniversaire me remerciait pour le cadeau que je lui
avais apporté (moi-même, donc), je me suis vu obligé de l’interrompre dans sa
diatribe afin de réclamer qu’on apporte le gâteau parce que, tout de même, je
n’avais pas que ça à faire. Il a insisté pour terminer notre discussion
d’abord, sous prétexte que ce qu’il me confiait était important pour lui (des
futilités à propos de son récent divorce et de l’accident qui l’avait rendu
aveugle quelques mois plus tôt). J’ai alors expliqué à mon ami que, de nous
deux, j’étais le plus à plaindre puisqu’il m’avait promis de m’apprendre à
rouler en voiture, engagement qu’il ne peut bien sûr plus tenir et je m’en
trouve donc bien embarrassé dans l’organisation de mes exercices de conduite.
Visiblement, mon ami a très mal pris ma dernière remarque, prétextant que je
n’essayais jamais de le comprendre.
Bref ! Tout ça,
cher docteur, pour vous poser une question simple : au vu de son
égocentricité manifeste, ne pensez-vous pas que cet ami est l’un de ces fameux
hyper narcissiques dont traite votre ouvrage et que celui-ci aurait bien besoin
de se faire soigner ? Je sais bien que oui mais votre lettre de réponse
pourrait m’aider à plaider en faveur d’un internement psychiatrique pour cet
ami dans le besoin.
Bien à vous,
Thomas Rogan (de Nice)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire