21 novembre 2015

Ainsi fait-il

C. PIGOZZI & H. MADELIN, "Ainsi fait-il", Paris: J'ai lu, 2015

Chère Rédaction de FCL,

Je me permets de passer par votre site pour communiquer à grande échelle avec les éventuels lecteurs de l’ouvrage « Ainsi fait-il ».
En effet, j’ai récemment lu le livre dans son intégralité et une certaine déception m’a gagné à la fin. Oui, on apprend beaucoup de choses sur le Saint Père, on découvre ses belles actions, les débats d’opinion qui le concernent mais, au final, le livre manque complètement son objectif. Pourquoi ? Simplement parce qu’il ne développe jamais son titre et n’explique jamais ce « ainsi fait-il » ! « Ainsi », bon, mais « ainsi » comment ?
Je me propose donc d’apporter un petit éclairage personnel et purement altruiste sur le problème qui nous occupe. Voici la marche à suivre pour faire comme le Pape.

Tout d’abord, un petit échauffement de la main et du poignet est nécessaire. Procédez donc à quelques exercices de supination afin de détendre vos articulations.
Ensuite, fléchissez le plus complètement possible votre poignet, comme si vous vouliez déposer vos doigts sur votre avant-bras.
Avec douceur et grâce, étendez maintenant votre main vers le haut en un signe de salut délicat.
Ce faisant, gardez votre annulaire et votre auriculaire fléchis.

Vous obtenez ainsi la position de base dont se sert le Pape pour saluer ses fidèles. Naturellement, les plus perfectionnistes diront que cette démarche, si elle est appliquée à la lettre, donne un résultat peu naturel. J’en conviens et je vous encourage donc à travailler sur une étape en plus, à savoir relâcher légèrement la tension de vos doigts afin d’obtenir un geste plus décontracté et, donc, plus spontané. 

Vous pouvez même faire mine de vouloir tendre la main à nouveau mais attention de ne jamais laisser le geste aboutir (car aucun Pape n’a encore la force de réellement tendre la main et, de fait, vous échoueriez par excès de zèle dans votre imitation pourtant si bien commencée). Avec un minimum de pratique, vous trouverez le juste milieu entre maîtrise et nonchalance et deviendrez vite à même d’égaler le Saint Père dans la solennité de votre salut.

Et voilà ! Ainsi fait-il. J’imagine que tout le monde comprendra mieux, à présent.

Gracieusement,


Fileppi Scopal (de Saint-Ghislain)

17 novembre 2015

Réparer les vivants

MAYLIS de KERANGAL, "Réparer les vivants", Paris: Gallimard, 2015



Chère Maylis de Kerangal,

Après avoir parlé de votre ouvrage « Réparer les vivants » avec un ami, ce-dernier m’a révélé avoir entendu dire que vous basiez votre roman sur une histoire vécue. Je ne sais pas si c’est réellement le cas ou si je me suis laissé abuser mais, vu qu’il s’agit d’une histoire de transplantation cardiaque, cette information m’a beaucoup touchée. Dès lors, je vous écris afin de vous proposer une aide qui pourrait s’avérer précieuse au cas où vous croiseriez à nouveau la route d’une personne ayant besoin de ce type d’opération : je vous propose mon cœur (et vous laisse le soin de le confier à qui de droit). Je n’en ai plus besoin.

Je sais, ça peut paraître étrange comme démarche mais, soyons logiques, si personne ne se propose, les demandeurs de cœur risquent de devoir attendre longtemps. Le mien pourrait donc être utile à quelqu’un. Je me dois juste de vous rappeler qu’il s’agit d’un cœur d’occasion.
Vous constaterez sans doute qu’il y a plusieurs petites cicatrices au niveau du ventricule droit. Je vous rassure tout de suite, vous ne devez pas craindre une quelconque défaillance à ce niveau. Il s’agit de vieilles blessures cicatrisées depuis longtemps qui ne vous poseront aucun souci.
Le coup au niveau de la valvule pulmonaire gauche vous impressionnera peut-être davantage. Je peux comprendre mais, une fois encore, les risques de défaillance sont négligeables à ce niveau. Ce n’est là que la trace d’un vieux traumatisme oublié qui ne posera pas de problème à l’heureux acquéreur de mon organe cardiaque.
De-ci, de là, vous aurez encore l’occasion de découvrir quelques griffes plus récentes mais dont vous ne devriez pas faire grand cas.

En revanche, je pourrais comprendre que vous vous inquiétiez de la récente blessure béante qui semble fendre le cœur en plein centre. L’honnêteté me pousse à vous avouer que, en effet, ce petit souci risque d’être légèrement plus embarrassant que les autres, même si j’ai vraiment essayé de bidouiller une réparation de fortune. A mon humble avis, tout ce joli bordel devrait tenir et ne devrait pas être fatal pour la personne qui profitera de mon cœur. Enfin… je crois… Après, bon, je vous ai prévenu qu’il s’agissait d’un organe de seconde main. Je ne peux rien garantir. De plus, si vous avez dans votre entourage un ami bricoleur, je suis certain qu’il doit y avoir moyen de souder, colmater ou coller un gros morceau de scotch sur le bazar afin de vivre tranquille.

Bref ! Vous disposez donc d’un cœur presque neuf – enfin, qui était neuf, à une époque – afin de faire plaisir à quelqu’un en lui évitant une mort prématurée. Je me permets juste une ultime recommandation : assurez-vous bien que la personne concernée émette l’envie de posséder un cœur ! Non, je sais, ça paraît con. Mais le fait est que, pour réparer les vivants, je me demande si, parfois, il ne serait pas plus intéressant de leur permettre de se débarrasser de leur cœur, comme j’essaye de le faire.

Cordialement (si je puis dire),


Oscar Diaque (de Sacré-Cœur, Québec)

13 novembre 2015

Citation n°1 - Alexandre Astier, "Que ma joie demeure"

Les médecins ne trouvent pas ce que j’ai. Ils cherchent, ils cherchent, je vois bien qu’ils cherchent, mais ils ne trouvent pas. Du coup ils deviennent sceptiques. Ils se demandent si je ne raconterais pas un peu n’importe quoi. Mais je ne leur en veux pas, non. Non, non. Moi aussi, d’ailleurs, à force de les voir me prescrire des médicaments alors qu’ils admettent eux-mêmes qu’ils ne savent pas ce que j’ai, je deviens sceptique. Et moi non plus, je ne sais pas ce que j’ai. Non… j’en sais rien.
[…]
[Plus tard, en conversation avec Dieu] Je vais vous poser une question. Si vous, vous saviez… vous me le diriez ? […] S’il vous plaît. De quoi ? Non, c’est le mot, j’ai pas compris le mot. C’est… du ? […] Ah putain c’est ça ! Non, c’est ça ! Bien sûr, c’est ça ! Je suis triste. Mon Dieu, c’est ça, merci, c’est ça ! Je suis triste.


Je suis triste.

En bonus (qui n'a rien à voir avec les livres), un extrait du magnifique spectacle d'Alexandre Astier. A voir, si ce n'est pas encore fait.