GEORGES VIEILLEDENT, "Médecin de campagne, une vie", Paris: Calmann-Lévy, 2014 |
Cher
Georges,
En
parcourant les livres du rayon « cambrousse » de ma bibliothèque de
quartier (oui, leur catalogue est très exhaustif), j’ai eu le plaisir de
découvrir votre ouvrage qui, pour être tout à fait honnête, m’a beaucoup fait
réfléchir à mon avenir.
En
effet, j’envisageais de partir vivre à la campagne très prochainement et d’opérer
un virage radical dans ma vie. Eh bien, pour être tout à fait franc, à l’instant
où j’ai eu votre livre en main, j’ai senti fondre en moi le glaçage sucré de tous
mes rêves d’avenir pour n’en conserver que le cœur tristement amer. Autrement
dit : je ne compte plus poser un pied sur autre chose que de l’asphalte
citadin.
Je
ne saurais trop vous expliquer pourquoi ma réaction fut si radicale…
Tout
d’abord, j’ai pensé à l’évidence et je me suis dit que mon rejet venait
peut-être de votre nom. Même s’il est bien évident que vous n’en pouvez rien,
il faut tout de même avouer que Georges Vieilledent, ça donne une sensation d’ennui
dès la première lecture. Mais bon, passons.
Je
me suis ensuite demandé si mon soudain rejet de la vie rurale ne venait pas de
votre façon d’illustrer celle-ci. Enfin, je veux dire… entre le ciel gris, la
nature moribonde, les clôtures à deux doigts de l’effondrement et l’absence
totale de toute forme de vie animale, le cadre dans lequel vous vous promenez
sur cette couverture semble être l’exact moyen terme entre la campagne et un
sordide cimetière abandonné. Mais soit, passons encore.
Ensuite,
ce serait mentir que de nier avoir aussi envisagé l’hypothèse de votre propre
personne. Loin de moi l’idée de critiquer l’apparence des gens mais… enfin…
Georges, sur toutes vos photos, pourquoi avoir choisi celle où vous semblez
vous diriger d’un pas résigné vers une mort certaine ? Sans blague, si je
voyais arriver un médecin à mon chevet avec cette expression qui est la vôtre, je
le prierais de m’euthanasier avant même de m’asséner son diagnostic.
Au
final, j’ai réalisé qu’aucun de ces détails ne constituait réellement un
critère de dégoût. Je veux dire, aucun individuellement, bien sûr. Ma nouvelle hantise
de la campagne vient en réalité du cumul de tous ces points, encore soulignés
par l’effroyable fatalisme du titre choisi pour votre livre (« Médecin de
campagne, une vie », vraiment ? On vous a séquestré dans une grange
pour que vous ne puissiez vraiment pas vous enfuir en quête d’un soupçon
de bonheur?).
Bref,
je tiens donc à vous remercier, cher Georges, de m’avoir aidé à comprendre que
ma véritable ambition n’était autre que de passer ma vie en ville, entre des
murs de béton armé et dans l’odeur des pots d’échappement avec le bruit des
travaux pour berceuse. Afin de vous rendre la pareille, je vous enverrai très
prochainement une ordonnance pour une boîte d’antidépresseurs.
Avec
toute ma reconnaissance,
Aymé
di Camen (Paris)
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